Par Léon Idole HOPAY
En République Démocratique du Congo, le retour sur l’investissement politique est beaucoup plus élevé que le retour sur l’investissement dans d’autres domaines de la vie nationale tels que l’éducation, la santé ou le service public. C’est ce qui explique l’engouement des opportunistes vers la politique, qui pourtant est la source des inégalités sociales et économiques.
Le MDW de cette semaine tachera de répondre à la question suivante:
“Pourquoi le système politique congolais basé sur des élections au suffrage universel direct et indirect n’a cessé de produire , à la manière du capitalisme, des inégalités surdéterminées?”
En effet, dans le Capital (1868) Karl Marx a atteint la conclusion selon laquelle le capitalisme aboutit à des inégalités sociales extrêmes. Thomas Piketty, dans son Capitalisme au 21eme siècle (2010), aboutit à la même conclusion: le capitalisme a conduit l’humanité à des inégalités jamais atteintes jusqu’à présent.
Les inégalités sociales au pays de Lumumba ne sont pas l’objet d’une production capitaliste où l’on confisque aux travailleurs le produit de leur labour. Au Congo, il n’y a pas une classe capitaliste qui détiendrait des moyens de production, et qui exploiterait les travailleurs en leur confisquant leur plus-value.
Le Congo est un pays que l’on peut qualifier de rentier ; il vit de la rente (loyer) obtenue par la vente des matières premières. Ces dernières sont des richesses appartenant à la population de la République Démocratique du Congo. Ces richesses y ont été déposée ; elles n’ont fait l’objet d’aucun travail quelconque de la part des Congolais. Ces richesses nous appartiennent par le simple fait que nous y habitons.
Le cuivre, le diamant, l’or, le zinc, l’aluminium, le cobalt, l’uranium, le colombite-tantalite (COLTAN), lithium, le phosphate, le manganèse, le pétrole, la foret et ses ressources, les terres arables et les eaux, sont sur le territoire congolais . Ces ressources sont supposées être pour le bien-être de tous les Congolais, sans exception.
La rente ou les revenus provenant de leur vente ou de leur extraction reviennent au peuple Congolais.
Cependant, ce n’est pas ce qui se fait. Les Congolais dans leur ensemble ne bénéficient pas équitablement de cette manne déposée sur le sol de leurs ancêtres, pourquoi?
Dans le capitalisme, les propriétaire des moyens de production confisquent le produit des travailleurs. Il le fait par ce qu’il est le propriétaire de son patrimoine (moyens de production où il a investi de l’argent pour rendre la production facile). Ils utilisent leur patrimoine de manière lucrative.
La question que Marx s’était posée dans ce cas est celle de savoir comment ces propriétaires avaient-ils obtenu les premiers capitaux qui leurs ont permis de posséder les moyens de de production. La réponse de Marx dans le 7eme chapitre du livre I du Capital, intitulé « l’accumulation primitive, » est que la violence était à la base de la création du premier capital. Les paysans étaient chassé de leurs terres sans management. Les capitalistes s’en sont appropriés. Les esclaves étaient violemment arrachés de leur terroirs pour travailler gratuitement pour les maitres qui se sont ensuite imposés comme propriétaires des moyens de productions. La violence a permis aux propriétaires de confisquer les biens des paysans, de les réduire en esclaves et de s’approprier le produit de leur labeur. Ils sont ainsi devenus propriétaires des moyens de production et reproduiront le capitalisme dans l’histoire des hommes. Le retour sur l’investissement capitaliste (les bénéfices ) est mêmes plus important que la croissance économique dans plusieurs pays capitalistes.
Dans le cas du Congo, c’est la politique qui s’impose sur les citoyens. L’investissement dans la politique apporte plus que les investissements dans le business.
Mon ami Jonathan Bialosuka , député national de son État, investie énormément son capital dans la politique (mobilisation tous azimuts, meetings, rassemblements, réunions, etc…) plutôt que dans le business. Mon autre ami, Ir Willy Bitwisila , préfère la politique ( il sera candidat député national avec beaucoup de chance d’être élu dans la circonscription de Popokabaka) au travail de développement qui semblait portant lui réussir merveilleusement. Le troisième exemple est celui du professeur Théophile Mbemba que nous appelons affectueusement Ya Theo. Il est un des grands professeurs de biologie alimentaires que nous ayons dans le pays. Pendant la pandémie de la Covid-19, il avait sorti une opuscule sur les aliments locaux qui contiennent des nutriments pour la défense immunitaire. Il a, en cela, sauver des vies et l’on peut dire qu’il a contribué à arrêter la progression de la Covid-19 au Congo. Malgré ces prouesses académiques, Ya Theo a fondé un parti politique et veut retourner en politique après s’y être séjourné pendant plus d’une décennies comme député, gouverneur, chef de cabinet du président de la république et ministre.
Je me demande pourquoi !
La réponse est évidente.
Au Congo la politique vous propulse sur la planète des prises des décisions. Les décisions sur l’argent, l’affectation des revenus des ventes des minerais et de toutes les ressources reviennent aux politiciens.
Les êtres humains sont rationnels. A partir du moment où la politique est le lieu où l’on peut obtenir le plus grand revenue, en terme des salaires , et aussi et surtout le lieu de contrôle de la valeur. En établissant les grilles salariales , les politiciens déterminent ce qui a valeur et ce qui ne l’a pas.
Les salaires mensuels au Congo se présentent à peu près comme suit:
• Président de la République: 2. 000.000 $
• Ancien Président de la République: 680.000$ (La Loi de Finance 2018 votée par les députés lui octroi 30% du salaire du Président en exercice. C’est de cette loi que nous avons déduit le salaire du président en place).
• Mandataires des régis financiers (DGI, DGDA, etc…) 250.000 $
• Ministres: 20.000 $ (15.000$ de salaire et 5000$ de prime)
• Sénateurs et Députés : au moins 12.000 $ ( sans compter les primes multiples liées aux votes de circonstance et au maintien de l’Union Sacre Nationale. Les deux présidents de la chambre basse et haute ont des primes colossales)
• Professeurs des universités: 1400 $
• Médecins : 800 $
• Magistrats: 800 $
• Enseignants: 100 $
• Infirmiers: 90 $
• Fonctionnaires (en moyenne compte-tenu des catégories): 90 $
Face à un tableau pareil, quelque approximative soit-il, toute personne rationnelle se lancerait dans la politique pour offrir à sa famille un gros salaire. Il est donc normal que toute personne pleine de bon sens puisse s’investir dans la conquête du pouvoir pour devenir soit, Président de la République, gestionnaire des régis financiers, ministre ou député.
Chercher à devenir enseignant, infirmier ou fonctionnaire de l’État est une absurdité dans ce contexte.
Les disparités dans le système capitaliste tiennent du ait que l’État protège les propriétaires des moyens de production et les laissent jouir de leur bien moyennant une taxation progressive, qui devient de moins en moins élevée aujourd’hui.
Dans le contexte du Congo, c’est la police et l’armée qui protègent et laissent perpétuer cette situation de disparité entre Congolais. La police s’interpose avec des gaz lacrymogènes ou des balles en caoutchouc pour empêcher tous ceux qui veulent questionner cette disparité de s’exprimer.
La police et l’armée ne sont pourtant pas les mieux loties dans ce partage national. Elles sont au bas de l’échelle des rémunérations.
Mais, pourquoi se déploient-elles pour soutenir un ordre national injuste ? Doit-on préserver l’ordre public qui ne favorise qu’une poignée d’individus?
Au Congo, la seule classe en soi semble être la classe politique. Elle est consciente de ses intérêts et elle les défend avec succès.
Le reste de la population semble subir cet ordre économique national. La population ne se comprend pas comme une classe qui doit se battre pour une répartition équitable et juste de la rente nationale.
Pourquoi faire de longues études lorsqu’on sait qu’on peut atterrir dans un parti politique qui peut vous propulser comme ministre?
La question la plus cruciale est de savoir pourquoi les Congolais maintiennent-ils cet ordre national ou moins d’1% au pouvoir s’accapare plus de la moitié des revenue de notre rente?
Pourquoi la police et l’armée s’interposent-elles lorsque les gens veulent renverser cet ordre?
Ne serait-ce pas que l’illégalité et l’illégitimité de la distribution des ressources du pays sont co-constitutives de l’ordre national ?
Est-ce qu’on perturbe l’ordre public lorsqu’on réclame une répartition plus juste ?
Le plus petit des Congolais pourrait bénéficier dans un pays où l’alliance entre le peuple, l’armée et la police seraient telle que les politiciens se sentiraient obliger de partager équitablement les biens du pays entre congolais.
L’importance de ces reflétions est de susciter le débat, un débat fructueux et contradictoire qui nous permettra de sortir de nos ghettos mentaux et d’imaginer une redistribution des biens publics toujours plus juste et équitable dans un Congo toujours plus beau qu’avant.
Rédaction :+243851211389, +243816440669
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