Par Léon Idole HOPAY
Que peuvent apprendre les jeunes Américains aux jeunes Congolais dans la gestion individuelle de l’argent?
Comparaison n’est pas raison. Les propos qui suivront sont une sorte d’auto-ethnographie du comportement financier des jeunes étudiants qui sont passés par moi aux USA et au Congo. J’ai passé vingt ans aux États Unis d’Amérique dont dix comme étudiant à Columbia University à New York et dix autres comme professeur d’anthropologie et des études africaines à Emory Univerity, Atlanta ; Marymount Manhattan College, New York ; University of Notre Dame, Indiana ; et Utah Valley University, Utah. Au cours de ces années comme professeur d’anthropologie, je recevais dans me cours des jeunes étudiants de 18 a 26 ans. Depuis 2017, j’enseigne aussi au Congo et je reçois des étudiants qui sont quasiment de la même tranche d’âge que mes étudiants américains.
Je suis parfaitement conscient que je me lance ici dans une entreprise périlleuse de comparer des contextes qui ne sont sans *_doute* pas comparables, étant donné leurs idiosyncrasies complétement différentes.
Je vais néanmoins analyser le comportement des jeunes américains et des jeunes Africains. je vais me limiter aux congolais que je connais mieux. Les *jeunes* *sud-africains* réagissent différemment des jeunes Congolais. Mes étudiants de 20 à 25 ans à Johannesburg étaient très différents des leurs homologues de *même* *âge* à Atlanta ou à Notre Dame. A 20 ans en Afrique du Sud, un jeune sait déjà se battre dans la vie pour étudier et vaincre tous les préjudices *raciaux* hérités *du* passé ségrégationniste. Généralement, je trouvais les jeunes de 20 ans à Johannesburg beaucoup plus matures que les jeunes du même âge à Notre Dame, Indiana. Les jeunes américains restent aujourd’hui plus longtemps à la maison familiale , choyés *autant* par les parents que leurs ainés à cause du fait que les gens ont de moins en moins d’enfants aux USA et ils les gardent plus longtemps à la maison. Cette différence entre les étudiants *sud-africains* et les étudiants américains me sautait directement aux yeux car j’enseignais dans *la* même année *et* à l’Université Notre Dame comme fellow, et à l’Université de Johannesburg comme Senior Lecturer en 2011.
J’ai parlé des jeunes *sud-africains* pour souligner le fait que lorsque j’évoque les jeunes africains, comme d’ailleurs les jeunes américains, je suis conscient qu’ils ne sont pas les mêmes selon qu’ils *habitent* Kinshasa ou Johannesburg. De même que la jeunesse à Alabama est différente de la jeunesse à New York. Il faut donc prendre mon propos avec beaucoup de nuance car il y a toujours un risque de niveler les différences internes ou d’homogénéiser des groupes substantiellement différents.
Cela dit, il y a des traits caractéristiques de la jeunesse américaine que l’on peut opposer à la jeunesse africaine et plus précisément *congolaise* . Je vais ici me limiter dans le domaine financier; comment les deux groupes se comportent vis-à-vis de l’argent ? En gros, ma première observation est que les jeunes américains sont extrêmement libéraux en matière de sexualité, mais très conservateurs en matière de gestion de l’argent alors que les jeunes africains sont conservateurs en matière de sexualité et très libéraux dans la gestion de l’argent.
Qu’est-ce que cette observation majeure veut dire, surtout dans sa seconde partie qui touche à l’argent? Les jeunes aux USA gèrent leur argent avec parcimonie. Ils ne les dépensent pas dans des choses futiles et surtout il me semble qu’ils restent relativement dans les limites l’intervalle des dépenses que leurs finances leurs imposent. Je reconnais que je fais peut-être une grosse généralisation. Mais, toujours est-il que mes étudiants américains travaillent tous en dehors de leurs études et dépensent l’argent de leur labeur de manière conservatrice. Il y en a qui mettent de côté de l’argent pour un *futur* voyage. Ils se privent donc de certaines choses pour épargner pour les vacances.
J’ai écrit une chose qui devrait me pousser à arrêter cette comparaison. J’ai dit que la plupart de mes étudiants américains travaillent à coté de leurs études. Ils gagnent de l’argent alors qu’ils sont étudiants. Ceci n’est pas le cas au Congo. Les étudiants passent des journées entières et parfois des semaines entières dans des salles de classes sans aucune possibilité de faire autre chose en dehors des études. Ils sont donc financièrement dépendants totalement soit de leurs parents, soit pour le cas des filles, de leurs petits amis qui sont souvent des “sugar daddy”, des personnes âgées qui leur donnent de l’argent en échange des leurs corps. L’argent reçu de cette manière est dépensé de manière libérale, sans compter comme on dit et dans des *extravagances* inimaginables. Un nouveau téléphone est la première *chose* *qu’il* faut absolument se procurer pour rester en contact permanent avec le “sugar daddy”, puis l’apparence extérieure doit être soignée pour rester attractive. Bref, les jeunes vivent visiblement au-dessus de leur moyens financiers car ils dépendent totalement des leurs “sugar daddy” pour les filles ou de leurs idoles politiques pour les garçons. Les jeunes africains n’étant pas financièrement indépendants, *les filles* sont *obligées* de mendier ce dont *elles* ont besoin auprès des hommes qui *leur* demandent des faveurs sexuelles ou auprès des politiciens qu’ils se doivent de suivre inconditionnellement. L’argent reçu de cette manière est *dépensé* sans *le moindre souci des lendemains..*
Il y a deux observations qui qui sont soulignées dans ce texte. Les jeunes américains sont relativement Indépendants financièrement alors que les jeunes africains ne les sont pas. Cela induit deux types de comportement devant l’argent. Les uns l’utilisent parcimonieusement, les autres le font avec beaucoup de nonchalance car ce n’est pas le fruit de leur labeur.
Mais, la différence la plus importante est liée à la manière d’organiser les horaires des cours. Alors qu’aux USA les étudiants ont au maximum quatre cours par semestre, au Congo, les ils peuvent atteindre 14 cours en un seul semestre. Ces derniers sont donc retenus à l’école quasiment toute la journée. Ils n’ont pas le temps de faire autre chose que les études.
La plus grande leçon que les jeunes africains pourront apprendre des jeunes américains, toute proportion idiosyncratique gardée, c’est de chercher l’Independence financière. Cela ne pourra être possible que si toute l’organisation de l’enseignement en tient compte.
Nous pouvons organiser notre enseignement de sorte que nos étudiants soient à l’école le matin et au travail dans les après-midis ou le contraire. Mais, pour cela nous devons revoir la quantité des cours que nous dispensons et comment les étaler dans le temps pour laisser les jeunes travailler pendant qu’ils sont étudiants.
Encore faut-il avoir des lieux de travail pour cette énergie juvénile. *Ça* , c’est une autre paire de manche dont nous parlerons la prochaine fois.
Rédaction :+243851211389, +243816440669
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