Par Léon Idole Hopay
Mes positions sociales dans ce MDW prennent racine dans la théorie et la pratique de Karl Marx. Son travail était reçu différemment selon que l’on était ouvrier, économiste, sociologue ou anthropologue. Cette réception différentielle reflète la complexité de la théorie marxienne qui combine à la fois la pratique sociale et la théorie. En effet, historiquement, Marx se situe au carrefour de trois traditions du XIXe siècle : l’économie politique britannique, la politique révolutionnaire française et le développement théorique allemand. L’industrialisation britannique du XIXe siècle, la révolution française et l’effort théorique hégélien avaient placé Marx dans une position particulière pour formaliser radicalement le moment historique du mouvement vers le devenir social du monde.
Les faits ont prouvé Marx juste après. Ce détour me permet d’expliquer la source de la richesse dans la société dans laquelle nous vivons et donc les rapports de production (rapports sociaux de production) que la répartition de cette richesse nous a imposés. Marx est donc la voix la plus radicale qui formalise le mouvement historique contemporain que l’ on peut capter dans les événements de Barcelone en 1937 , de Hongrie en 1956 , de France en 1968 , du Congo en 1960 .
Comme je le montrerai plus loin, Karl Marx fait une différence entre les déterminations sociales de la production économique et les conditions politiques de la production économique, ou plus précisément les rapports de production, y compris la redistribution. Au Congo comme dans de nombreux pays africains, le problème n’est pas l’extraction minière, mais l’accord politique qui régit la redistribution des bénéfices provenant des minerais. Le régime de la propriété privée qui est accepté à l’échelle mondiale privatise en fait ce qui est censé être un bien public. Mais, avant cela, expliquons quelques-uns des concepts familiers aux marxistes.
Expliquons certaines terminologies marxiennes :
Valeur
A travers la théorie de la valeur, Marx montre que le capitalisme atteint sa valeur en confisquant une partie du salaire dû au travailleur. Dans le processus de production, le travail n’est pas rémunéré à sa juste valeur.
La machine est toujours payée à sa juste valeur jusqu’à ce qu’elle s’use. Le coût d’amortissement de la machine s’ajoute au prix de vente des produits. C’est ainsi que l’apport de la machine est considéré comme une constante dans le processus de production (travail mort par opposition au travail vivant du travailleur).
Seule l’exploitation humaine est source de production de valeur ajoutée. Pour que le capitaliste réalise un profit, il doit s’approprier une partie du salaire de l’ouvrier. Par son travail, le travailleur réalise deux phases, la phase rémunérée pour laquelle il perçoit un salaire et la phase non rémunérée dont le produit est volé par le propriétaire des moyens de production. C’est ce que Marx appelle l’extorsion de plus-value. Au cœur du capitalisme, il y a le vol, l’extorsion.
Les effets de la concurrence mondiale
Avec la concurrence mondiale, le produit ne doit pas être vendu trop cher sur le marché. Pour faire du profit, on ne va pas diminuer l’apport de la machine, mais on va faire travailler plus la personne humaine et lui payer beaucoup moins. C’est ainsi que le capitaliste réalise des profits (ou mieux, c’est ainsi que le capital réalise de la plus-value : sa propre définition). Les salaires versés permettent donc au travailleur de survivre jusqu’à son retour au travail. C’est la définition même du prolétaire. On lui vole de l’argent et on lui paie juste assez pour se maintenir en vie et retourner travailler. Quel que soit le degré d’automatisation, le capitaliste a toujours besoin d’énergie humaine pour bénéficier de la plus-value.
« Cas du Congo »
Il en est de même au Congo. Le Président de la République et son équipe, les membres du gouvernement, les sénateurs et les députés se comportent envers la population comme les capitalistes vis à vis des travailleurs. Toutes les recettes du Trésor Public qui devraient être redistribuées aux Congolais à travers des salaires décents, sont monopolisées par la classe politique. Le reste de la population gagne juste assez pour survivre.
Les gens riches sont riches parce qu’ils volent une partie de leur salaire aux travailleurs. Les politiciens congolais sont riches parce qu’ils s’approprient les fonds publics destinés à la population (à travers les salaires des médecins, infirmiers, enseignants, fonctionnaires, etc.).
Quoi comprendre du Contrat dit libre chez le capitalisme?
Le capitalisme parle d’un contrat libre entre le travailleur et le patron. Mais, cette liberté n’est liberté que dans la mesure où l’on peut être exploité par le patron de son choix. Mais, fondamentalement, le travailleur ne passe pas un contrat libre avec son patron. Le travailleur doit subvenir aux besoins de sa famille et nourrir sa descendance. Il est dans le besoin et n’est donc pas libre.
« Parallélisme du Contrat libre chez le capitalisme et le cas du Congo «
Dans le cas du Congo, les Congolais ont eu la possibilité de choisir leur propre chef ; ils ont choisi celui en qui ils croyaient : celui qui, selon les électeurs congolais, allait leur extorquer le moins possible leur salaire. Mais, contrairement à la volonté populaire, un président, des députés et des sénateurs leur ont été imposés par le pouvoir. Les Congolais ne sont même pas dirigés par le leader de leur choix. Dans le capitalisme, le travailleur est exploité par le capitaliste de son choix.
Est-il possible de sortir du système capitaliste?
Pour sortir du système capitaliste, Marx ne demande pas de tuer ou d’éliminer physiquement les capitalistes (La révolution bolchevique, le léninisme et le stalinisme sont une altération de la pensée de Marx). Pour en finir avec le capitalisme, Marx propose de retirer la propriété des moyens de production aux capitalistes pour les rendre communautaires ou collectifs.
Imaginez que nous étions tous des agriculteurs et qu’il n’y avait qu’un seul tracteur dans notre village. Si le tracteur appartient à un individu (le capitaliste) les rapports de production seront différents des rapports de production que l’on aurait si le tracteur était un bien collectif.
Poursuivant sur l’analogie de Marx par rapport à l’État congolais, nous dirons que pour sortir de l’exploitation que subit la population de la part de ses dirigeants politiques, il faut confisquer à ces dirigeants le pouvoir d’appropriation des moyens de production et organiser collectivement la gestion du bien public. Les politiciens ne doivent pas être guillotinés ; ils doivent seulement être écartés du pouvoir. Le pouvoir de s’approprier les biens du pays doit leur être retiré. Tant que nous n’aurons pas franchi cette étape, nous resterons dans la pauvreté et nos enfants vivront également dans la misère. Nous n’avons d’autre choix que de nous libérer d’un contrat étatique qui nous est imposé et de prendre le contrôle de nos vies pour assurer un avenir meilleur à nos enfants et petits-enfants. Nous sommes tous des prolétaires au Congo.
Si la dernière phrase du Manifeste communiste de Karl Marx est : « Travailleurs du monde, unissez-vous » , celle du Congo serait : « Congolais de tous bords, unissons-nous pour reprendre nos vies confisquées par les prédateurs politiques « .
Théorie de la marchandise
La marchandise est quelque chose qui est produit et qui est important pour les autres ; il est échangeable ou vendable. La principale caractéristique de la domination capitaliste est qu’elle a fait de tout, y compris la vie des gens, une chose vendable et une chose échangeable. Il n’y a pas de différence qualitative entre un stylo et un utérus, les deux peuvent être achetés ou vendus. Le niveau supérieur du fétichisme de la marchandise est de faire de l’ovule un marché universel.
Patrimonialisme comme mode de gestion du gouvernement congolais.
Le patrimonialisme est le système de gouvernement où le président considère le trésor public comme son compte bancaire personnel. Au Congo, nous vivons sous le régime du patrinomialisme. Vital Kamerhe, directeur de cabinet du président congolais, avait demandé au FONER (Fonds d’entretien routier) de verser une somme de 2 millions de dollars américains par mois pendant une année entière à un particulier qui s’engageait à construire des hôpitaux au Kasaï Central. Un tel acte ne peut se faire que dans un régime patrimonialiste où le Trésor Public est géré comme un compte personnel.
L’extraction minière en régime patrimonial comme celle de la RDC ne pouvait servir que les intérêts d’une petite élite et creuser le fossé entre les nantis et les démunis. Les élites bénéficiaires des transactions minières – comme ce fut le cas du contrat chinois – ont consolidé leur emprise sur le pouvoir au Congo et stoppé toute mobilité sociale et créé la misère que nous avons décrite ci-dessus.
Dans ces conditions, les Congolais feraient mieux de garder les minerais sous leur sol jusqu’à ce qu’ils concluent des accords sociaux et politiques qui permettraient à la majorité de bénéficier des richesses minérales du pays. L’une des conditions pour atteindre ce résultat est en effet la formation des Congolais aux savoir-faire d’extraction, de transformation et de gestion des minerais.
Rédaction +243816440669,+243851211389
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