Par Léon Idole HOPAY
COMMUNISME ET BÉATITUDES : RÉPONSES UNIVERSELLES À LA MARCHANDISATION DU MONDE
Le présent MDW est un extrait d’un article que je viens de publier dans un ouvrage collectif sur Société, Économie et Politique : Que reste-t-il de l’œuvre de Karl Marx face aux mutations du monde contemporain ?
Hommage collectif en hommage au professeur Octave Nicoue Broohm.
Sous la direction de Charles-Gregoire Olosse, Yawo Agbeko Amewu, et Koman Agbetoezian Aziale., Paris : Harmattan, 2022
Pendant les vacances d’été 2021, j’ai fait une expérience de travail dans une usine d’expédition à l’international des motos de luxe fabriquées par Harley-Davidson, en Pennsylvanie., aux États Unis d’Amérique. Nous travaillions à fabriquer des gros cartons pour expédier les grosses motos en Australie, en Europe, au Canada, ou en Chine. Nous travaillions donc de 7h à 17h 30, y compris parfois les weekends. Les gens ne vivent que pour travailler. Ils ont deux semaines de vacances pendant toute l’année. Pendant mon temps de travail comme ouvrier a Harvey- Davidson, Ryder ever Better, j’ai croisé des humains, hommes et femmes, dont les vies se sont réduites à attendre le « pay checks » de manière hebdomadaire. Bref, la vie de mes camarades américains traduit un asservissement à l’avoir. Il en est de même de la plus grande partie des travailleurs américains. Il y a une omniprésence impérialiste du cosmopolitisme marchand. La grande partie des Américains que j’ai croisés répondent à la définition que K. Marx donne du prolétaire. Un prolétaire est toute personne qui vend ses forces physiques ou intellectuelles en échange d’un salaire. Une grande partie de l’humanité est donc enfermée dans la prison salariale. Les propriétaires des moyens de production sont une poignée d’individus dont le nombre diminue de plus en plus alors que leurs avoirs ne cessent de croître. D’après le Magazine FORBES (2018), Bill Gates, le fondateur de Microsoft, par exemple, possèderait à lui seul 104 milliards de dollars ; Zuckerberg, le fondateur de Facebook, 65 milliards de dollars. Jeff Bezons, le propriétaire d’Amazone aurait un compte en banque personnel de 124 milliards de dollars. Par contre, il y a des milliards de personnes dans le monde qui n’arrivent même pas à toucher un billet de 10 dollars entre leurs mains. Le monde a accepté ces inégalités incroyables au point où aujourd’hui, 1% de la population mondiale possèderait 86% des ressources planétaires (Abraham 2015, Piketty 2013, Norton, Arieli 2011, Badiou 2009). Notre mode de production capitaliste, que personne ne questionne, nous a conduits à ce type d’écarts entre humains en même temps qu’il nous a rapprochés technologiquement les uns des autres.
Au niveau des pays, on retrouve les mêmes inégalités tacitement acceptées par tous et justifiées sous le mode de production capitaliste. Dans nos pays, une très grande partie du Produit Intérieur Brut (PIB) tombe entre les mains de quelques personnes les plus riches du pays. Pour chaque 100 $ que nous produisons, 80$ vont dans les mains d’une petite élite gouvernementale
et 20% sont distribués au reste de la population. Je donne le cas de la RDC, notre pays où le ministre gagne 8000$ et l’infirmière 100$ le mois (Budget RDC 2020). Une bonne partie de la population n’a absolument rien. La préoccupation de l’épanouissement de l’homme est sans doute enterrée dans les sédiments de l’avoir.
La question à laquelle cet article veut répondre est de savoir s’il est
possible de mettre en place dans notre monde un système de valeur ancré dans l’égalité de tous les hommes. Comment trouver des voies d’un processus social qui ne soit pas soumis à la petite poignée des nantis ? Comment pouvons-nous être capables de voir le monde du point de vue de ceux qui n’ont pas réussi ? K. Marx, dont nous venons de commémorer le 200ème anniversaire de
la mort en 2018, a passé la plus grande partie de sa vie intellectuelle à chercher à répondre à ces questions à travers son analytique critique du capital et aussi à travers l’organisation de la Première Internationale socialiste. Il pose clairement des fondations – dans les limites du temps (1840s) et de l’espace (Allemagne, France, et Angleterre) – pour l’affirmation de H. Marcuse selon laquelle le capitalisme serait un crime contre l’humanité. Bien avant K. Marx, le message christique des béatitudes se présente aussi comme une inversion radicale contre la marchandisation du monde. Ce message n’est pas toujours celui que les églises prêchent. Il n’y a, par exemple, rien de commun entre Jésus qui chasse les marchands du Temple et Jean Calvin qui fonde la Bourse de Genève même si J. Calvin se réclame du Christ. Nous répondrons aux questions ci-dessus, en tâchant de comprendre ce que K. Marx dans sa critique du capital appelle dans la Première section du Premier Livre du Capital, le Fétichisme de la marchandise. Nous parlerons ensuite de la proposition que fait K. Marx pour combattre le capitalisme, « le communisme » défini dans l’Idéologie Allemande comme, « le movement réel pour sortir du capitalisme. » Enfin, nous montrerons que le moment christique est l’universel subversif en réponse au capitalisme et au fétichisme de la marchandise. Comme nous le dirons pour conclure, le but de cet article est de démontrer que Jésus et Marx appellent tous les deux à la récupération de notre être confisqué par l’avoir et enterré dans les sédiments de la marchandise.
Tous les deux nous proposent des nouvelles symbolisations à même de nous aider à trouver une symbolique égalitaire opposée à la culture aliénatoire du capitalisme.
1. Fétichisme de la Marchandise
Vers les années 1980, alors que le Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise (SIDA) arrachait des êtres chers à la manière d’une pandémie en Afrique, des usines pharmaceutiques détenaient des médicaments, au nom du droit au profit. Il en est de même aujourd’hui pour la levée des brevets sur les vaccins contre la covid-19 pour que des versions génériques puissent être produites dans des pays moins développés. Il y a un refus des grandes firmes pharmaceutiques qui ont transformé les vaccins en biens privés, traitant ainsi la santé comme un marché et les vies humaines comme des variables d’ajustement et des biens à rentabiliser. Le capitalisme mondialisé qui nous contrôle a fait des vaincus et des
vainqueurs. Les vainqueurs sont une poignée des gens bien installés dans le monde tel qu’il est et les vaincus sont des personnes pauvres et exclues, incapables de faire le choix d’une vie pourvue de sens.
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